Le temps des cerises
Des histoires sur mon expérience dans les Pouilles tout au long de ces années sont innombrables mais il y en une dont je parle souvent. Une qui définit très bien cette région. On va dans Les Pouilles pour ses paysages, sa cuisine mais surtout et avant tout pour ses habitants.
Lorsque l’on est en charge d’un tour à vélo, la veille, de nombreux scénarios trottent dans votre tête sur son déroulement. Surtout au début de votre carrière. Chûtes à vélo, un client qui se perd et qu’on a du mal à retrouver, un prestataire qui ne vient pas, un restaurant qui est fermé alors que vous aviez réservé et reconfirmé (oui, c’est arrivé !) etc… En général, tout se passe bien. C’est pourquoi, au fil du temps, on n’y pense plus. C’est alors que…
Nous étions au mois de juin dans les Pouilles, entre Polignano et Conversano. Juin est la saison des cerises dans la région. Un festival est même organisé à cette occasion. J’avais un groupe de cyclistes canadiens aguerris, familiarisés à ce type de séjour et à utiliser des directions à vélo. Je faisais un soutien en van ce jour-là et je venais juste de faire le point avec eux. Je les laissais partir pour fermer la route d’autant qu’il y en avait qu’une et que c’était les 6 derniers km avant d’arriver à l’hôtel. Impossible de les perdre. Et pourtant ! Je suis repassée une fois, deux fois, trois fois et ils n’étaient pas là. Ils ne répondaient pas au téléphone qu’un client avait sur lui. C’est alors qu’en roulant très, très lentement, j’apercevais sur une toute petite route, perpendiculaire et menant à une propriété privée, tous les vélos alignés les uns après les autres contre un mur de pierres, typique de la région. Je suis sortie du van et quelle ne fut pas ma surprise de voir tous mes clients dont la moitié sur des échelles, étaient en train de ramasser des cerises dans un champs ! Ceinture à la taille pour la cueillette, concentrés sur les directives des fermiers qu’ils comprenaient qu’à moitié ! Ils étaient hyper heureux d’essayer quelque chose qui pour la majorité d’entre eux était une nouveauté. Le fermier nous a ensuite invité à boire un verre et nous a donné une tonne de cerises et des pots de confiture à foison ! Très fier de nous montrer avec sa femme les photos de leur fils militaire déployé à l’étranger… Ils étaient également très curieux de la vie de ces canadiens qui utilisaient le globe placé sur le buffet de l’entrée pour leur montrer où était BC Victoria. Ils ont souhaité nous inviter à dîner mais nous avions une réservation dans un restaurant. Nul besoin de vous dire que le planning était chamboulé mais que cela ne dérangeait personne. Pas même le restaurateur qui connaissait très bien cette masseria et pour qui le retard est quelque chose de très relatif en bon méridional qu’il est. Il n’a d’ailleurs pas manqué l’occasion de poursuivre l’expérience en nous offrant pour digestif, une liqueur de cerise faite maison. Une bouteille laissée sur la table toute la soirée pour qui souhaitait se resservir.
Ce petit détour témoigne de la gentillesse des Pugliese. Parti d’un « Buongiorno », au hasard d’une balade, chacun a tenté de communiquer avec l’autre et de partager son quotidien. Les photos et vidéos prises, ce jour-là, figurent parmi les meilleurs souvenirs de mes clients. Une anecdote qui revient à chaque conversation lorsque nous nous appelons.
Il m’aura fallu attendre ma 5ème saison pour que des cerises me fassent perdre l’ensemble de mes clients, en seule et même fois ! 😊